Asma LAMRABET

L’appel égalitaire du Coran aux femmes et aux hommes : quelques exemples (2)

 

Il existe au sein du Coran cinq autres versets où l’on retrouve la même énonciation égalitaire, et qui témoigne de cette même volonté de préciser l’injonction égalitaire entre les hommes et les femmes.

 

« Quiconque, homme ou femme, aura fait le bien tout en étant croyant, Nous lui assurerons une vie heureuse (hayât tayyiba) et Nous les récompenserons en fonction des meilleures de leurs œuvres. »[1]

 

« Tous ceux, hommes ou femmes, qui auront accompli de bonnes œuvres tout en ayant la foi seront admis au Paradis, et tout dommage, même le plus infime, leur sera épargné. »[2]

 

« Et Dieu a exaucé leurs prières : “Je ne ferai jamais perdre à aucun d’entre vous, homme ou femme, le bénéfice de ses œuvres ; n’êtes-vous pas issus les uns des autres (ba‘duukuum min ba‘d) ? »[3]

 

 « Celui qui commet une mauvaise action ne sera sanctionné que d’une peine équivalente. Mais ceux, hommes ou femmes, qui font le bien en étant croyants auront accès au Paradis où tous leurs désirs seront généreusement comblés. »[4]

 

 « Les hommes et les femmes qui sont généreux, et qui consentent à Dieu un prêt gracieux, Dieu en multipliera pour eux la valeur, et leur accordera une généreuse récompense. »[5]

 

Ces cinq versets montrent combien le Coran insiste sur sa vision égalitaire, en ponctuant chaque verset par un appel adressé, en même temps et distinctement, aux hommes et aux femmes. Dieu, dans Son infinie grandeur, promet aux hommes et aux femmes, de façon identique, de ne jamais leur faire perdre le bénéfice  de leurs œuvres et de leur labeur sur terre : ils seront récompensés en conséquence, et seront comblés par les bienfaits de leur Créateur.

 

Dans un de ces versets, le Coran, en réitérant le principe égalitaire du Jugement divin, rappelle que ce principe découle de la création originelle des hommes et des femmes. En effet, la fin du verset 195 de la sourate 3, « n’êtes vous pas issus les uns des autres ? » est une affirmation de la nature égalitaire de la création des hommes et des femmes, laquelle induit elle-même, de façon systématique, l’égalité entre eux dans toutes les autres aspects de la vie aussi bien spirituels que temporels. Ce point a été relevé par certains exégètes classiques affirmant que l’expression « à aucun d’entre vous hommes ou femmes » avec cette autre énoncé : « issus les uns des autres », témoignent ensemble d’une volonté « d’insistance » du Créateur sur cette notion égalitaire, qui est en plus renforcée par cette image d’hommes et de femmes « issus les uns des autres »[6].

 

Cette métaphore coranique témoigne de l’intensité de cette union qui devrait « lier » les uns aux autres, c’est-à-dire les femmes aux hommes. Ces derniers sont ainsi naturellement issus les uns des autres, ce qui confirme le principe de l’origine commune des êtres humains. Le message coranique rappelle qu’il ne pourrait y avoir de différences, ni dans le traitement ni dans le jugement, aussi bien dans cette vie que dans l’au delà, entre des êtres provenant de la même création et de la même origine.

 

D’autres commentateurs classiques affirment que ce verset est l’équivalent d’un autre, où l’égalité entre les deux sexes est affirmée tout aussi fortement : « Les croyants et les croyantes sont solidaires les uns des autres (ba‘duhum awliyâ’uu ba‘d) – ils incitent au bien et dissuadent du mal. »[7]

 

Toujours au sujet du verset 195 de la sourate 3, la tradition exégétique nous rapporte que c’est Umm Salama qui fut à l’origine de cette révélation[8].

 

En effet, elle dit un jour au Prophète : « Les hommes sont mentionnés dans le Coran de nombreuses fois pour leur participation à l’exil (hijra) alors que nous les femmes nous ne sommes pas du tout évoquées dans le texte sacré en ce qui concerne la Hijra ! »

 

Pour comprendre la pertinence de la remarque d’Umm Salama, il convient de rappeler le rôle historique qu’elle a joué dans l’édification de la première communauté musulmane, et notamment lors des moments les plus difficiles, comme l’exil. En effet, les premiers croyants et croyantes avaient dû s’exiler en dehors de La Mecque pour éviter les représailles que leur faisaient subir les polythéistes de Quraïsh en raison de leurs convictions religieuses.

 

La requête d’Umm Salama était doublement compréhensible : en effet, celle que la tradition islamique surnomme « la femme aux deux exils » avait émigré à deux reprises, une première fois vers l’Abyssinie, la seconde fois vers Médine. L’histoire rapporte qu’elle fut même la première femme à émigrer de La Mecque vers l’Abyssinie.

 

Umm Salama, après cette période et lors de son établissement à Médine en tant qu’épouse du Prophète et Mère des croyants, exprima sa tristesse, pour ne pas dire sa déception, de voir que le Coran passait sous silence son sacrifice et celui de toutes les femmes qui étaient avec elle dans cet exil forcé. Elles avaient failli y laisser leur vie et perdre leurs enfants pour protéger leur foi et leur engagement envers l’islam.

 

C’est ainsi que fut révélé ce verset en guise de réponse, claire et sans détours, à la requête d’Umm Salama, et à travers elle à toutes les femmes et les hommes : « Et leur Seigneur a exaucé leurs prières : “Je ne ferai jamais perdre à aucun d’entre vous, homme ou femme, le bénéfice de ses œuvres. N’êtes-vous pas issus les uns des autres ? Ceux qui se seront expatriés, qui auront été chassés de leur foyer, qui auront souffert pour Ma cause, qui auront combattu ou ont été tués à Mon service, à ceux-là Je leur pardonnerai toutes les fautes, et Je les ferai entrer dans Mes jardins baignés de ruisseaux à titre de récompense de la part de leur Seigneur ; car c’est Dieu qui possède les meilleures récompenses»

 

Ce verset répond donc à ceux et celles qui étaient encore réticents à reconnaître la vision égalitaire du dernier message de Dieu sur terre. Même si, depuis le début, la Révélation n’a eu de cesse d’interpeller les humains, hommes et femmes, cette requête d’Umm Salama a été l’occasion de renouveler ce principe clé de l’islam, à savoir que femmes et hommes sont foncièrement égaux dans leur engagement spirituel et temporel.

 

« Je ne ferai jamais perdre à aucun d’entre vous, homme ou femme, le bénéfice de ses œuvres. N’êtes-vous pas issus les uns des autres ? » C’est là une reconnaissance divine et une promesse solennelle venant du Créateur à l’humanité entière. Une promesse éternelle qui défie le temps, l’espace et l’histoire, et qu’il faudrait enseigner comme éthique de vie à nos enfants, dans nos manuels d’éducation islamique, aux générations futures, afin que cette culture égalitaire soit perçue, assimilée et vécue comme un fondement incontournable du message de l’islam.

 

 



[1] Coran 16 : 97.

[2] Coran 4 : 124.

[3] Coran 3 : 195.

[4] Coran 40 : 40.

[5] Coran 57 : 18.

[6] Al-Baydâwî, Anwâr at-tanzîl wa asrâr at-tanwîr, commentaire du du verset 195 de la sourate 3.

[7] Coran 9 : 71.

[8] Commentaire d’Ibn Kathîr. 

 Asma Lamrabet (livre: Femmes et Hommes dans le Coran : quelle égalité?) 

À propos de l'auteur

ASMA LAMRABET

Native de Rabat (Maroc), Asma Lamrabet, exerce actuellement en tant que médecin biologiste à l’Hôpital Avicennes de Rabat. Elle a exercé durant plusieurs années (de 1995 à 2003) comme médecin bénévole dans des hôpitaux publics d'Espagne et d’Amérique latine, notamment à Santiago du Chili et à Mexico.

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