Les 11 concepts clés de l’égalité femme – hommes dans le Coran :
Asma Lamrabet
1- La création de l’humanité : anafss al wahida ou l’égalité dans la création. L’égalité de la création est complètement attestée par le texte coranique où l’on constate sans aucune ambigüité comment femmes et hommes sont issues d’une même essence - nafsswahida - ou « âme originelle »[1].
Importance de ce premier concept car la majorité de l’exégèse classique a une lecture culturaliste : les femmes sont crées à partir des hommes, et pour les hommes (voir tafassirs) , c’est une lecture reprise des interprétations bibliques . Point de départ à toute la culture sur l’infériorité des femmes( Eve issue d’une côte dévié d’Adam) qui n’est absolument pas retrouvée dans le Coran.
2- L’édification de la civilisation humaine par les hommes et les femmes : al istikhlaf
C’est l’égalité dans la succession sur terre. Notion de responsabilité commune des deux sexes dans la gestion du monde et de l’édification de la civilisation humaine. C’est un dépôt ou amana léguée aux hommes et femmes.Mission civilisatrice afin d’édifier la civilisation humaine : sunatou Allah fil ard
3ème Concept : L’intégrité morale comme critère d’évaluation des femmes et des hommes : attaqwa : c’est un critère majeure de distinction
Attaquwa :c’est la piété et le dévouement dans l’action :
Elle a généralement était définie comme étant la peur ou crainte révérentielle
Le prophète l’a définit comme étant quelque chose enfouie dans notre coeur : « attaqwahahuna » .
ataqwa : correspond à la trilogie : croyance (el imane) + savoir (el ilm) + l’action (el amal)
C’est le vrai sens du Jihad, l’effort de chacun de nous dans cette longue route qu’est la vie !Ce n’est pas le dévouement passif, fataliste et improductif mais le dévouement dans la force, la lucidité et la productivité
attaqwa : c’est une force qui délivre des chaines matérielles et qui libère= Liberté
4ème Concept : L’appel égalitaire du Coran aux femmes et hommes :almouslimounewalmouslimate
Cette égalité spirituelle initiée par le récit de la création se retrouvera tout au long du texte quoique formulée selon un langage masculin, utilisé, comme dans toutes les autres langues universelles, selon un genre neutre (el khitabbittadhkiryahoumouanissaawarijal) . Ce qui ne va pas empêcher certaines femmes musulmanes de l’époque, motivées par le souffle libérateur du nouveau message spirituel, de se plaindre directement au prophète quant au ton un peu trop « masculin » du Coran. La réponse ne tardera pas à venir puisque des versets vont être révélés dans lesquelles le genre féminin va être utilisé en bonne et due forme en guise de réponse à ces revendications féminines de la première heure :
5ème Concept : L’éthique coranique égalitaire dans l’union conjugale
Dans cette éthique coranique de l’union conjugale on retrouve de nombreux concepts qui constituent la base de cette union :
- al maarouf : le bien commun, retrouvé plus de 20 fois dans le Coran
- al mithak al ghalid : contrat moral (lourd de sens) qui relie les conjoints et qui préconise le consentement des deux partenaires et leur respect mutuel du pacte du mariage.
- Al ifdaa : la communion intime des deux époux
- Mawadawarahma : amour profond et bonté infinie
- Al libass : métaphore qui décrit que chaque partenaire est un « vêtement » pour l’autre. «entrer dans la peau de l’autre ».
- Al fadl : générosité réciproque
- Atachawourwaattaradi : entente mutuelle
6ème concept : La coresponsabilité des femmes et des hommes : al wilaya
L’égalité dans la responsabilité sociopolitique.
Les croyantes et les croyants sont les alliés les uns des autres dans tous les domaines : social, politique et conjugale.
Les croyants et les croyantes sont alliés (awliyaa) les uns des autres. Ils incitent au ‘Bien commun’ (el maarouf) et déconseillent les mauvaises actions (el mounkar. Ce verset fait ressortir plusieurs notions primordiales quant à la relation hommes femmes, à leur participation commune dans les lieux de décision politique, à leur responsabilité partagée et résume à lui seul l’essentiel de l’éthique islamique dans la gestion des affaires humaines. « awliyaa » : proximité de bonté
Nouvelle conception dans les relations hommes femmes : égale participation et coopération à la prise de décision sociopolitique : Citoyenneté égalitaire
«Inciter au Bien commun – el maarouf- et déconseiller les mauvaises actions - el mounkar » est un principe, qui, dans la majorité des textes d’exégèse, a été considéré comme étant d’une importance capitale puisque c’est à travers son application concrète sur le terrain des réalités sociales que l’on peut mesurer le degré d’engagement des individus à l’édification d’une société juste et morale.
L’importance de ce verset est identique à un autre verset : « kountoumkhayraoumatinoukhrijatlinasstaamourounbilmaaroufwatanhounaani el mounkar » : qui a été interprété par tous les exégètes comme étant l’obligation de s’investir dans l’action sIl nous apparaît clairement à l’issue de cette analyse des différentes interprétations que ce verset est essentiel quant à sa formulation de l’égalité entre hommes et femmes notamment - et c’est là l’originalité !- dans l’espace sociopolitique.
L’injonction coranique, est on ne peut plus claire : instaurer une nouvelle conception dans les relations hommes femmes dont leur égale participation à la prise de décision politique. Ce concept est bien révolutionnaire et avant-gardiste et ce même à l’aune de notre modernité où l’égalité des droits en matière de participation politique féminine à l’échelle mondiale n’est pas chose acquise ! (modifications du nouveau Code de la famille au Maroc)
7ème concept : La gestion des sphères publics et privés par les femmes et hommes al quiwamah(voir document en annexe)
1- La Quiwamah dans la sphère publique où el-Quiwamah « el ama »
2- Quiwamah dans la sphère conjugale :
8ème concept : les versets de base sur l’héritage : annassib
Versets oubliés de l’héritage égalitaire : (Coran 4 ;7) et ( Coran 4 ;32)
Verset de la demi part : Coran 4 ;11 (le verset parle de wassiya et non de prescription)
9ème Concept : Ashahada : l’égalité dans le témoignage
Le plus utilisé : Coran 2 ;282 verset concernant une dette financière et qui est de l’ordre du conseil et non de la prescription légale.
Versets oubliés : Coran 2 ;143 et Coran 22 ;78. : le témoignage devant Dieu et l’humanité.
Verset oublié sur l’égalité du témoignage entre femmes et hommes en cas d’adultère : Coran 4 ;15.
10ème Concept : l’égalité dans le divorce
Le divorce en arabe : talaq : résiliation du contrat de mariage
La répudiation n’a pas son équivalent linguistique en arabe dans le Coran.
Le divorce a toujours été considéré dans les lectures patriarcales du Fiqh comme un DROIT ESCLUSIF DE L’HOMME .
Or dans le Coran l’égalité dans le droit au divorce est claire : il y a trois types de divorce selon le Coran :
1- le divorce par consentement mutuel : Coran 4 ;35 et Coran 4 ;130
2- le divorce sur demande de l’époux : Coran 65 ;1-8 (le mari donne une « mutuaa » don de consolation à l’épouse )
3- le divorce sur demande de l’épouse : Coran 2,229 ( la femme donne à l’époux le « khul’ » comme don de consolation ).
11ème Concept : l’égalité dans le mariage avec les non musulmans
Il existe un verset clair quant à l’égalité dans le choix du mari ou de l’épouse non musulman. Un seul verset en parle : Coran 2 ;221.
Ce verset prescrit clairement que le musulman et ou la musulmane doit épouser un « mouamine » croyant et non un « mouchrik » polythéiste.
La lecture patriarcale là aussi a décidé que le croyant dont parle le Coran ici sont les gens du Livre : Juifs et Chrétiens et que seuls les hommes avaient le droit de les épouser.
Malgré l’existence du texte ils ont refusé cette permission aux femmes pour des motifs généraux que l’on connaît : les femmes sont faibles, elles vont être dominées par la religion de leur époux, les enfants vont suivre la religion de leur père. ;ect argumentaires qui bien évidemment ne vaut pas pour les hommes…
Or là aussi le texte est clair et il est impossible d’en faire une autre lecture que celle de l’égalité parfaite entre les hommes et les femmes dans le mariage mixte. Ce qui vaut pour l’homme l’est pour la femme.
C’est une des questions tabous du monde musulman.
À propos de l'auteur
ASMA LAMRABET
Native de Rabat (Maroc), Asma Lamrabet, exerce actuellement en tant que médecin biologiste à l’Hôpital Avicennes de Rabat. Elle a exercé durant plusieurs années (de 1995 à 2003) comme médecin bénévole dans des hôpitaux publics d'Espagne et d’Amérique latine, notamment à Santiago du Chili et à Mexico.