Le concept du jihad …un concept dévoyé
C’est au sein de versets désignés comme étant des « versets de l’épée » par certains exégètes traditionalistes que la lecture extrémiste va justifier la violence au nom de l’islam Coran 2,191) , (Coran 2 ,216), (Coran9, 5), (Coran 9 ,12), (Coran9,14).
Ce sont là cinq versets qui vont être utilisés pour cautionner le combat contre les « infidèles » ou la guerre, à travers notamment des concepts erronés comme celui du « Jihad ». Il est à rappeler ici que ces versets précités correspondent à des données conjoncturelles historiques, à savoir la permission donnée au prophète et ses compagnons de riposter à l’agression qu’ils subissaient de la part des polythéistes de l’époque ou lors de la violation de pactes entre les belligérants.
Tandis que la lecture littéraliste fait abstraction du contexte historique de ces versets et considère leur application intemporelle, la lecture réformiste remet ses versets dans leur contexte historique, considéré comme suranné et les analysent dans le cadre du relatif et du conjoncturel.
Sous cette approche on s’aperçoit que le Coran à aucun moment n’incite volontairement ou spontanément à l’agression et à la violence mais donne la permission à ceux qui, à l’époque, étaient attaqués de répondre de la même manière. La parole coranique étant inséparable du temps et du contexte de sa révélation elle intervient parfois comme dans le cas de ces versets sur des sujets circonstanciels.
Une autre précision à faire est celle qui concerne le terme de « jihad » ; en effet, le Coran n’utilise pas le terme de jihad pour la guerre mais celui de « quital » ou « combat » . C’est l’exemple de ce verset : « Combattez (quatilou) ceux qui vous combattent sans jamais outrepasser les limites permises, Dieu n’aime pas les transgresseurs » Coran 2 ; 190.
Le terme jihad évoqué dans le Coran veut dire plutôt l’effort déployé à exercer une tâche, à survivre, à travailler ect… « Et quant à ceux qui accomplissent l’effort (jahadou) pour Nous, Nous les guiderons certes sur Nos chemins, Dieu est avec ceux qui font le bien » Coran 29 ; 69.
C’est d’ailleurs dans la tradition prophétique que nous allons retrouver le sens véritable à cette notion de jihad puisque le prophète revenant d’une expédition guerrière dira : « Nous sommes rentrés du petit jihad, celui de l’affrontement avec les Mecquois (leurs ennemis à l’époque), pour commencer un autre jihad qui nous attend, c’est celui du grand jihad que nous devons mener continuellement ».
C’est ce jihad qui est considéré comme le plus grand et le plus important (al jihad al Akbar). Il n’est autre que celui de l’effort continuel pour lutter contre l’Ego (nafss), l’orgueil, l’arrogance et les penchants néfastes de l’être. C’est cela le vrai jihad, celui de l’élévation spirituelle et de la probité intellectuelle.
Nous sommes aujourd’hui donc très loin de ce sens primordial et profond pourtant retrouvé dans la tradition musulmane classique mais dévoyé de son sens premier par les lectures littéraliste et réductrices.
Asma Lamrabet
À propos de l'auteur
ASMA LAMRABET
Native de Rabat (Maroc), Asma Lamrabet, exerce actuellement en tant que médecin biologiste à l’Hôpital Avicennes de Rabat. Elle a exercé durant plusieurs années (de 1995 à 2003) comme médecin bénévole dans des hôpitaux publics d'Espagne et d’Amérique latine, notamment à Santiago du Chili et à Mexico.